Les Talibés Mendiants au Sénégal
Les enfants talibés mendiants
J’ai commencé un tour du monde en bateau avec mes parents en août 2010. Nous avons longé les côtes espagnoles et marocaines avant d’ arriver au Sénégal, à St Louis, ancienne capitale du pays établi sur une île du fleuve Sénégal.
Là, nous avons été accueillis par la fameuse « terenga » sénégalaise (hospitalité) et la joie de vivre insouciante des habitants. Un vrai bonheur ! Et pourtant, nous avons tout de suite remarqué beaucoup d’enfants mendiants, vêtus de haillons, pieds nus, munis de boîtes de conserves. Ils nous les tendent souvent silencieusement ou interpellent les gens dans la rue :
« Donne-moi de l’argent !…… »
Nous avons donc décidé de faire des recherches et posé des questions autour de nous. Jean Jacques et Murielle, saint-louisiens depuis toujours, nous ont appris que c’étaient des élèves de certaines écoles coraniques envoyés dans la rue par leur marabout (imam). Ils nous ont donné l’adresse d’une association, « la Liane »…La directrice Claude Halégot, retraitée française, se bat depuis plusieurs années contre cette exploitation illégale et nous a donc fourni beaucoup d’informations.
Les Talibés mendiants sont des enfants confiés au marabout par leurs parents pour qu’ils apprennent le Coran et deviennent peut-être un jour marabout à leur tour. Le marabout demande aux enfants d’aller mendier pour subvenir au besoins de l’école coranique et les nourrir. Enfin, c’est ce qu’il dit, et c’est accepté par la population.
40% des marabouts sont guinéens et peu sont sénégalais. Ils viennent des villages avec les enfants et vont dans les grandes villes pensant que les citadins leur donneront plus d’argent qu’à la campagne.
80% des talibés ne sont pas Saint-Louisiens , ils sont ramenés par leur marabout. Tous les jours, ils se lèvent, travaillent 2H00 le coran, doivent l’apprendre sinon ils reçoivent la chicotte, puis, pendant 8H00 au moins, ils doivent mendier pour rapporter obligatoirement 300 à 350 francs cfa et de la nourriture sous peine d’être battus, maltraités…Ils rentrent pour dormir tous dans une même salle, grands et petits ensemble, parfois 20, 30, 40 entassés par terre. On ne s’occupe pas de leur hygiène.
Certains n’osent pas rentrer le soir s’ils n’ont pas gagner la somme voulue et dorment dans la rue sous des cartons. Parfois ils sont tellement battus qu’ils finissent à l’hôpital !
Nous avons refusé de donner de l’argent à un petit de six ans pour ne pas être complice de cet esclavage des enfants. Nous l’avons emmené dans une petite boutique pour qu’il choisisse à manger. Il a demandé du lait avec insistance et des biscuits. Il ne les a pas mangé devant nous. Nous avons appris par la suite que les marabouts réclamaient ces produits. Certains même sont les propriétaires de ces petites boutiques. Les enfants y rapportent ce qu’on leur a donné pour être revendu !
On a aussi entendu que certains grands talibés mendiants en l’absence du marabout frappent et vont jusqu’à violer les petits qui ne peuvent pas se défendre… Un rapport sur la mendicité forcée et autres mauvais traitements à l’encontre des talibés au Sénégal a été publié en 2010 par l’organisation internationale « Human rights watch » : « Sur le dos des enfants ». Cent seize pages !
Quelques enfants arrivent à retourner dans leur famille pour échapper au marabout mais leurs parents les renvoient croyant toujours que le marabout les éduquera et leur offrira une vie meilleure. Alors, les plus précoces s’échappent et errent dans la rue, sans donner de nouvelles, complètements coupés de leurs proches. Ils sont en rupture avec leur milieu.
Pourtant, nous savons que beaucoup de lois ont été mises en place pour arrêter la mendicité, les maltraitances, l’exploitation des enfants, etc… mais elles ne sont pas respectées. Le Sénégal est signataire de la Convention Relative aux droits de l’enfant. La loi numéro 2005-06-art 3 condamne de 2 à 5 ans de prison à toute personne organisant la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit. Malgré cette loi, aucun marabout n’a jamais fait seulement un an de prison à cause de ça. Ils sont très puissants et influents sur toute la population.
Des organismes humanitaires tels que l’UNICEF, le SAMU social international, des ONG essaient de les aider. Au Sénégal, près d’une centaine d’associations se chargent de les nourrir et de leur apporter des soins d’hygiène mais le dialogue avec les marabouts reste très difficile.
La Liane offre un accueil aux enfants talibés. Son rôle est de protéger les enfants pour qu’ils ne soient plus maltraités. Elle essaye de les sortir de la rue, lieu de beaucoup de dangers, agressions, délinquance… Elle leur fait suivre des formations ou les inscrit à l’école , les aide à trouver du travail et à renouer avec leurs familles. Hors formation, ils ont aussi d’autres activités (sport, sorties culturelles…)et ont une petite bibliothèque à leur disposition. Le soir, une jeune femme leur fait faire leurs devoirs d’école. Deux éducateurs les encadrent jour et nuit. Cette année, grâce à leur soutien, une vingtaine de jeunes ont réussi à reprendre une vie normale. Certains ont trouvé du travail, d’autres se sont réconciliés avec leurs parents et sont retournés vivre chez eux. C’est bien peu comparé aux 5000 enfants talibés de St Louis… mais c’est un bon début qui prouve qu’un espoir de supprimer cette horrible exploitation est possible.
Human Right Watch parle de 50 000 enfants soumis à ces mauvais traitements au Sénégal , ainsi, nous espérons qu’un jour l’Etat ou d’autres personnes sortiront les Talibés de cette vie et puniront les marabouts. Nous remercions la Liane pour son aide et nous sommes de tout cœur avec eux.
Liens et références l’article :
- Human Right Watch report: www.hrw.org
- La Liane : laliane.infini.fr
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